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Une vie de prof homo - témoignages

samedi 6 août 2005, par phil

La ligne téléphonique d’Aglaé et le courriel du site internet d’Aglaé nous a permis d’enregistrer un certain nombre de témoignages de situations et vécus contrastés.

UN FUTUR ENSEIGNANT DE NICE :

« (...) J’ai longtemps hésité à choisir l’enseignement à cause de mon homosexualité, j’avais peur d’être chahuté à cause de cela. D’autre part, je pense que cela peut créer des problèmes avec les parents d’élèves qui peuvent s’imaginer qu’il est dangereux de confier leurs enfants à un homosexuel. J’ai pour ces raisons, longtemps cru que l’homosexualité et enseignement étaient incompatibles. L’existence d’Aglaé me prouve le contraire. Mais, je crains aussi que cela pose un problème pour l’admission au Capes. Des membres du jury devinant qu’ils ont affaire à un homosexuel peuvent penser qu’il ne pourra pas tenir une classe et se fera facilement chahuter. Je pense que mon homosexualité se devine assez facilement. Je viens d’enseigner un an dans un petit cours privé. Les élèves étaient peu nombreux. Petit à petit, ils ont posé des questions : " Vous êtes marié ? "Vous avez une copine ?" et même "Vous êtes pédé ?" Bien sûr, je n’ai jamais dit clairement que j’étais homosexuel. Mais, je n’ai pas menti. J’ai répondu que ce genre de sujet n’avait pas à être abordé entre nous. Je crois cependant que les jeunes sont plus compréhensifs que les générations précédentes. Il faudra faire comprendre aux gens que deux hommes et deux femmes peuvent s’aimer et former un véritable couple. Pendant des années, j’ai menti. Maintenant, j’y arrive plus ; j’ai perdu ce réflexe. Mentir, c’est se faire passer pour quelqu’un d’autre que soi. C’est insupportable(...) Mes amis homosexuels ne sont pas enseignants, et mes amis enseignants ne sont pas homosexuels. C’est pour l’instant deux mondes à part. »

UNE ENSEIGNANTE A RENNES :

« Chère amicale,Quelle ne fut ma surprise en découvrant dans notre US que tu existais !Je me suis dis aussitôt "Ouf", "Enfin","Chouette", "Je ne suis donc pas la seule !"Prof de maths, je suis depuis ma sortie d’IUFM, TA ! La chance que voilà pour avoir rapidement un pied dans plusieurs établissements et découvrir, eh oui cela existe, que la très grande majorité de mes collègues sont mariés, ont des enfants, et font des choses extra le week-end, qu’ils s’empressent de raconter à table le midi. Super ! Et moi, je réponds quoi ? Que je vis avec une personne formidable depuis 6 ans ? Que nous sommes très heureux ? Que nous partageons une jolie maison ? Que nousavonsun chat et un chien ?Que bientôt c’est l’anniversaire de Philippe ? Ah, non... Je ne peux pas le dire ça ! Je ne peux rien dire du tout ! Ils sont plutôt sympas les collègues, mais sont-ils tous très ouverts ? A les entendre parfois, on peut hélas en douter. Et puis, il y a l’administration, qui invariablement me déclare célibataire ! Et avec cela, vive les mutations ! Mais bientôt le PACS et peut-être une reconnaissance dans notre métier. Aurais-je simplement le courage de déposer mon dossier de mut auprès de la secrétaire de l’établissement ? Bref quoi, rien n’est simple ! Heureusement que notre couple est stable et harmonieux, ça aide ! »

UN ENSEIGNANT A MARSEILLE :

« (...) Je suis professeur de lycée et j’ai connu durant toute ma carrière des formes diverses de répression. Tout ce qui concerne de près ou de loin l’homosexualité rencontre l’hostilité ou le silence dans les milieux de l’éducation. L’isolement est la règle. La tolérance et la compréhension restent minoritaires. Je l’ai éprouvé dans la lutte contre le sida dès 1985, puis en tant que membre pour le CUS et le PACS. (...) »

UN ENSEIGNANT A PARIS :

« (...)Pour ma part, je suis prof de lettres, j’ai 26 ans (peu d’ancienneté dans la maison donc) et je serai désireux de rencontrer d’autres prof qui vivent cette cohabitation assez conflictuelle entre une vie privée d’homo et le métier de prof. Il me semble en effet très difficile de ne pas cacher à ses collègues et encore plus à nos élèves notre homosexualité sous peine de voir notre autorité ruinée. Ce qui ne se fait pas à la fois sans une certaine gêne et sans une certaine mauvaise conscience ,puisqu’en général on cache ce dont on a honte et on a pas honte d’être
homo."

UN COUPLE DE PROFS GAIS, RÉGION PACA :

Deux profs gays dans un même établissement, dans un même lycée. Ils se rencontrèrent, ils s’aimèrent. Ils n’eurent pas d’enfants, mais des graffitis insultants apparurent sur les murs du lycée. De quels autres sales pédés pouvait-il s’agir ? Ils arrivaient ensemble au lycée, ils s’attendaient pour partir. Bien que très discrets dans leurs comportements, des commentaires commencèrent à apparaître. Nos deux tourtereaux durent quitter leur établissement, demandant leur mutations dans des établissements bien distincts.

UN INSTIT DE LA REGION DE LYON :

« Je suis instit. Enfin, jeune professeur des écoles mutés à l’autre bout de ma région natale. Je n’ai pas vraiment vécu un cas type d’homophobie, mais plutôt une mésaventure dont les conséquences seraient à craindre. Du genre, un coming out forcé, pas voulu, une sorte même de outing. J’ai été en effet dragué par une maman d’une élève. Je déclinais ses propositions gentiment, jusqu’au jour où elle est venue carrément chez moi sans prévenir bien sûr. J’ai ouvert la porte, j’habite dans un petit studio, et elle a pu voir (non sans surprise) mon petit copain torse nu derrière moi,au fond. Je pourrais craindre ce qu’elle va raconter... par dépit, sait-on jamais... »

ENSEIGNANTE ET LESBIENNE DANS UN PETIT VILLAGE :

« Je suis enseignante. Je vis dans un petit village. Je suis lesbienne, je pense. Je vis seule... Ca me fait du bien de parler à une collègue... Je vous rappellerais... non je ne veux pas donner mes coordonnées... non pas un nom... Je peux vous donner un pseudo... si je vous rappelle. Je vous rappellerai prochainement. » (Région Pyrénées)

REGION BRETAGNE :

« J’ai été agressée par des types qui m’ont traité de gouine. Ils ont appris ma vie. Je suis pourtant très discrète avec mon amie. J’ai eu peur. J’ai demandé ma mutation en région parisienne depuis. Tant pis, si l’établissement est difficile. »

PROF DANS LE SECONDAIRE, ÉTABLISSEMENT PRIVE SOUS CONTRAT :

« On a su ma sexualité. C’était dans l’établissement une époque de chasse aux homos suite une affaire de pédophilie. Ma collègue lesbienne en fut aussi victime. Pour ma part, on me vola mes copies d’élèves dans mon casier par exemple... »

PERSONNEL DANS L’ADMINISTRATION UNIVERSITAIRE :

« Je travaille dans les services administratifs d’une université parisienne et je suis depuis deux ans en conflit avec ma supérieure hiérarchique qui cherche par tous les moyens à dévaloriser mes compétences professionnelles. J’ai été appuyé par un avocat. Je suis en procès au Tribunal administratif ; et nous nous côtoyons tous les jours. Elle ne me supporte pas mon homosexualité. Elle me l’a fait comprendre, mais elle cherche à m’atteindre par d’autres prétextes. Le président de l’université l’a soutenue. Mon affaire est loin d’être finie. » ( Région Paris).

PROFESSEUR STAGIAIRE :

« Je suis actuellement professeur des écoles stagiaire. J’ai eu un problème lié à mon homosexualité avec la médecine du travail au moment de mon recrutement. J’ai été en effet exempté du service national p3. Le médecin du travail a donc exigé les papiers de l’armée justifiant cette exemption, me fixant un rendez vous chez un psychiatre prétendument expert. Les papiers de l’armée motivaient mon exemption pour cause d’homosexualité. Le psychiatre expert a donc eu ce document en main. . N’ayant pu jouer l’hétéro, j’ai dû dévoiler ma vie privée et répondre à des questions dont je me serais bien passé. On m’a même demandé si j’étais pédophile et si mon homosexualité ne cachait pas une psychose. L’expert m’a alors déclaré apte à enseigner, néanmoins avec une invalidité de l’ordre de 12%, car "je n’avais pas effectué un service de l’état".Je ne crois pas une seconde à cette explication et j’attribue cette décision à une homophobie évidente. » (Région Vaucluse)

PROF EN LYCEE HOTELIER :

« Pourriez-vous m’aider, je suis à cours d’argument. Je me suis fait virer de mon bahut, un établissement privé d’enseignement hôtelier. J’ai gagné aux Prud’hommes mais j’ai perdu mon boulot et ca demeure toujours une flagrante injustice. J’ai été licencié officiellement pour mésentente avec les élèves. Cependant pendant l’entretien, la directrice m’a dit:vous portez des pantalons trop moulants, vos tenues sont provocantes, votre attitude est provocante, vos paroles tendancieuses et vos gestes sont déplacés de la part d’un professeur à l’égard d’un élève. Pourtant , je n’ai jamais rien affiché, aucun copain n’est jamais venu me chercher à la sortie, tout est faux. C’est une discrimination homophobe souterraine. Je voudrais maintenant me défaire de cet affront, aller en tribunal correctionnel pour plaider la discrimination homophobe. Le problème : quels sont les arguments recevables par leTribunal, suffisamment convaincant pour le procureur de la République qui doit juger de l’opportunité des poursuites. »

PROF DANS UN ETABLISSEMENT PRIVE :

"Tout le monde sait que je suis pédé dans mon bahut privé. Je suis prof de physique. J’ai carrément engueulé l’aumônier qui comparait les destins des sidéens à celui des deux larrons sur les croix aux côtés du Christ. Je me suis vraiment mis en rogne. On ne peut rien à mon encontre, je suis depuis longtemps un pilier dans l’établissement. C’est vrai, c’était un choix de bosser dans un établissement catholique pour ne pas muter n’importe où. Mais je me dis que je ne dois rien laisser passer..."(Région Paris).

AIDE-EDUCATEUR :

« Je suis aide-éducateur J’ai été complètement abasourdi par les propos des instits le midi à la cantine en mangeant avec eux. Ce sont des propos vraiment très réacs, vraiment homophobes, avec les expressions qu’il faut. J’étais consterné, on peut penser que les profs... » (Région Paris)

DU COTE DES ÉDUCATEURS en foyers –région IDF :

« Dans le milieu de l’institution sociale, des foyers pour handicapés, en tant qu’éducatrice, j’assiste à des réunions très pénibles où des équipes de médecins et de psys ont des discours terrifiants. Du genre, il faut séparer des individus de même sexe, parce qu’ils sont trop proches l’un de l’autre, ils partagent de l’affection. Il faut les séparer. Il leur faut une autre stabilité.Et moi au milieu de l’équipe, je suis désemparée, je ne sais que dire, tant concernée, je suis lesbienne et effarée devant tant de normativité, d’hétérosexisme ou hétérocentrisme . »

« Chez les jeunes sourds, j’ai remarqué que la relation est présente dans nos institutions. Mais l’interdit est souvent posé. »

UN PROF DU SECONDAIRE DE LA REGION PARISIENNE :

« Lorsque j’ai démarré dans le métier, frais émoulu de la fac, ça a été terrible. D’abord, je venais d’un milieu bourgeois, et j’étais, je me dis avec du recul, un peu maniéré, disons. Et je ne m’attendais pas au public difficile de banlieue parisienne que j’allais rencontrer. Maintenant, ça va mieux. Je me suis blindé. J’ai fait un grand travail sur moi. Je contrôle ma façon d’être. Mais je reviens de loin. On avait inscrit, par exemple, pour vous dire, quelque mois après ma prise de fonction "PD" en très large lettre sur un porte de classe. Ca a été un coup dur à accuser qui m’a valu de faillir être recueilli par le pédé de service, un vieux, vraiment la vieille "tante" qui voulait me secourir, et m’enrôler notamment dans son syndicat... moi qui suis plutôt libre penseur. En fait, ça a été tellement terrible que je serai prêt à témoigner pour aider les jeunes collègues qui débutent... »