Accueil > KIOSQUE AUX DOCS > Parler d’homosexualité à l’école
Parler d’homosexualité à l’école
jeudi 9 août 2001, par
Parler de l’homosexualité à l’école est devenu une mission éducative selon les programmes scolaires officiels.
Mais cela n’a pas toujours été ainsi considéré, et les moyens actuels pour en faire un objet d’enseignement sont encore restreints : peu de formation, peu d’outils, peu de volontaire. Beaucoup de réticence.
Effectuons pour commencer un bref retour en arrière historique afin de mieux cerner les enjeux.
– Mais, au fait, pourquoi parler d’homosexualité à l’école ?
– Dans quel cadre scolaire inscrire cet enseignement ?
– Quel discours didactique favoriser ?
Pourquoi une éducation respectueuse de l’homosexualité et bisexualité ?
– parce que l’homophobie et l’hétérosexisme ne sont pas des "bastilles" imprenables, des "fléaux" sans faille, des comportements et des mentalités à tout jamais fixés. Les homosexuels ont gagné des droits comme la dépénalisation de leur pratique sexuelle, des espaces de rencontre, des librairies, des journaux qui leur sont consacrés... Un défilé annuel réaffirme leur existence et leurs revendications, ainsi que leur fierté d’être ce qu’ils sont ( en opposition aux années de "honte") Par certains côtés, on peut dire que l’homosexualité est sortie du "placard". Mais les mentalités des citoyens lambda n’ont pas évolué, parallèlement à ce mouvement d’émancipation et de prise de parole des homosexuels, afin que chaque citoyen "voisine" harmonieusement avec les hommes et les femmes homosexuels qu’il peut rencontrer un peu partout. Il y a urgence pour une vaste action éducative qui démystifie, qui informe, et rétablisse quelques vérités devant les préjugés et les stéréotypes...
– parce que le "fait" homosexuel n’est pas encore banalisé et considéré comme une simple orientation amoureuse différente... De trop nombreux homosexuel,le,s souffrent encore dans leurs familles, dans leurs milieux professionnels d’isolement, de marginalisation, de moqueries diverses. Apprendre qu’un individu est homosexuel peut le dévaluer aux yeux de son interlocuteur tant l’homosexualité "déclasse" la personne humaine...
– parce que l’homosexualité, cette attirance affective et sexuelle ne commence pas à l’âge adulte. Des désirs, des interrogations, des inquiétudes apparaissent dès l’adolescence. Des jeunes peuvent se révéler gay ou lesbiennes, et rien n’est fait pour qu’eux-mêmes, ni leur entourage ne s’acceptent tels qu’ils sont. De même, rien ne facilite l’insertion heureuse des jeunes dont les parents sont homosexuels et qui doivent vivre cette réalité dans la dissimulation, et certains non sans une certaine honte...
– parce que l’école doit défendre une société plurielle, respectueuse des différences selon les principes démocratiques fondant notre République, et qu’elle ne doit pas faire l’impasse sur les valeurs permettant à chacun d’être respecté, spécialement (mais pas exclusivement) en ce qui concerne son orientation sexuelle.
Pourquoi parler d’homosexualité à l’école ?
– parce que l’homosexualité et la bisexualité sont absentes des programmes et manuels scolaires. L’homosexualité est ignorée, c’est l’amour sans nom. Un tabou ? Les missions attribuées à l’école ...Les missions attribuées à l’école nous amènent à revendiquer une inscription de l’homosexualité dans les programmes scolaires et les manuels scolaires, là, où cela est incontournable pour comprendre une oeuvre, observer en quoi l’homosexualité d’un auteur influence son ouvrage, répondre à un souci de vérité historique, éviter le silence contre une discrimination sociale et participer à l’épanouissement et au développement harmonieux des jeunes. Faire entrer l’homosexualité à l’école, c’est instruire le public jeune mais aussi influencer les parents (les manuels scolaires circulent dans les familles et sont feuilletés par d’autres personnes que les élèves) , corriger les visions d’une homosexualité seulement relayée par les médias de masse avec voyeurisme, sensationnalisme, et désinformation... Trop de clichés, de stéréotypes circulent pour le grand malheur des jeunes en éventuel devenir homosexuel. L’école doit être une chance, un levier pour le meilleur développement des femmes et des hommes comme de la société entière. Elle est l’endroit où une décision politique peut être prise pour faire évoluer les mentalités, casser l’obscurantisme des préjugés, défaire la méconnaissance qui heurte le développement des jeunes homosexuels et aussi des homosexuels adultes confrontés à des discriminations ou violences dégradantes. C’est aider les personnes hétérosexuelles à mieux respecter les différences individuelles, voire même d’y trouver richesse humaine. L’école a pour mission première de former l’individu, lui donner les outils de compréhension et d’adaptation au monde, de développer ses aptitudes intellectuelles, artistiques et sportives, d’acquérir une culture générale, et lui permettre d’exercer sa citoyenneté républicaine. L’enseignement vise donc une intégration professionnelle, sociale et citoyenne dans un monde fait de multiplicités. Ainsi, exige t-il que soit pris en compte toutes les composantes de la réalité de la personne, les diversités de sensibilité, d’affectivité et de sexualité, qui sont autant de diversités sociales. Lutter contre l’homophobie et le sexisme doit être une des finalités de l’école, parmi d’autres. Le fondement de l’institution scolaire étant le pari permanent d’éducabilité.
– parce qu’aucune réflexion n’est menée sur les questions d’orientations affectives et sexuelles dans la formation des enseignants. Homosexualité et bisexualité n’interrogent jamais l’enseignant dans sa pratique quotidienne, son comportement, ses habitudes langagières. Pourquoi ?
– parce que l’homosexualité n’est pas socialement reconnue comme égale à l’hétérosexualité, malgré l’adoption du PACS (Pacte Civil de Solidarité, permettant entre deux hommes, deux femmes d’établir un "contrat de vie commune"). De nombreuses discriminations persistent dans de maints domaines : de la vie quotidienne à la vie professionnelle. Il n’y a pas toujours d’égalité de traitement entre les couples de personnes de même sexe et les couples hétérosexuels (affaires notariales, garde d’enfant (d’une vie précédemment hétérosexuelle), droit d’adoption pour les couples homosexuels, gays et lesbiens.
– parce que l’homophobie et l’hétérosexisme sévissent dans toutes les couches de la population. Des pancartes, qui jalonnent des manifestations populaires"anti-homos", du genre "les pédés au bûcher"... au silence murmurant de mépris d’une homophobie rampante sous les lambris en or des salons distingués.