Accueil > PARCOURS DIDACTIQUES > Stéréotypes sexistes dans les albums

Stéréotypes sexistes dans les albums

jeudi 11 août 2011, par Andy

 Le programme Attention album ! lancé en 1996 avec le soutien de la Commission Européenne établit un état des lieux du sexisme dans les albums illustrés. Une année de production a été étudiée sur une base statistique, en partant de l’analyse du personnage : caractère, attributs, place occupée dans le récit, actions, représentation, relations avec les autres personnages.

 Les résultats de l’étude sont éloquents tant sur les pourcentages déséquilibrés de personnages masculins et féminins que sur les rôles inégalitaires tenus par ceux-ci dans la famille et dans la société.

 Ci-dessous, vous lirez quelques éléments issus du site Du côté des filles (lire l’étude complète sur le site de l’association)
 Un diaporama présente en bas de page des résultats de l’enquête à vidéoprojeter en formation.

.....

 150 questions posées aux albums

Ont été interrogés le texte et les images de 537 albums illustrés de fiction, la quasi-totalité des nouveautés produites en France dans l’année 1994. L’hypothèse de départ était que, par le biais des images et/ou du texte, les albums véhiculent des stéréotypes sexistes, c’est-à-dire discriminent les filles et les femmes en leur accordant une place minoritaire et en leur attribuant des traits physiques et psychologiques, des capacités, des rôles et un statut social spécifiques.

Une attitude qui discrimine aussi les garçons et les hommes, représentés dans des situations certes plus variées et plus valorisées, mais tout aussi mutilantes. Les résultats de la recherche ont confirmé que le monde des albums est un monde sexuellement ségrégué et majoritairement masculin.

C’est rarement un monde mixte et paritaire où les filles et les garçons, les hommes et les femmes cohabitent, communiquent, échangent.

 Une image du monde

Les albums montrent invariablement une image masculine du monde. Qu’on s’intéresse aux protagonistes, aux comparses d’arrière-plan ou aux figurants des foules, et quel que soit le type de personnage mis en scène - êtres humains, animaux habillés, animaux, objets anthropomorphiques, personnages imaginaires ou mythiques etc. - les personnages masculins sont toujours prédominants : ils sont plus nombreux que les personnages féminins et occupent plus souvent le rôle du "héros".

Les scènes de foule à dominance masculine sont de trois à quatre fois plus nombreuses que les scènes de foule à dominance féminine (selon qu’on considère les enfants ou les adultes). Dans ces foules (la rue, le marché, la plage, le restaurant, le zoo, le cirque), les personnages féminins sont accompagnés d’enfants ou caractérisés par des symboles du travail ménager et des soins des enfants (cabas, poussette, caddy et même tablier) alors qu’aucun personnage masculin n’est lié à ces symboles et que rares sont ceux accompagnés d’enfants. Quand les albums présentent des personnages d’arrière-plan sexués, la dominance chez les enfants est masculine à 53,2% et féminine à 33,9% seulement (dans 12,9% il n’y a pas de dominance). Mais pour les adultes, la dominance masculine atteint 61% contre 26% de dominance féminine.

On compte 544 adultes autres que les parents et les grands-parents qui se répartissent entre 390 adultes masculins et 154 adultes féminins. On obtient dans cette catégorie de personnages le pourcentage le plus élevé de représentation masculine, soit 71,7% contre 28,3% de représentation féminine.

 la famille

La production de 1994 montre 234 familles. La famille est ainsi le cadre privilégié des histoires que les albums racontent et le seul contexte où l’élément féminin est prédominant : 56,4% des parents sont des mères. La majorité de ces familles sont biparentales. Les familles à enfant unique sont les plus fréquentes et lorsqu’il y a plusieurs enfants, l’aîné est de préférence un garçon. En revanche, on ne sait que dans un cas sur deux comment s’exercent les rôles parentaux. Chez les humains, la famille fonctionne de façon plutôt moderne ("le père aide"), tandis que chez les animaux habillés la famille, généralement plus nombreuse, a une structure traditionnelle : père au travail ou au repos, mère ménagère.

Les pères Si les hommes ont une présence envahissante dans les albums, 28,5% seulement endossent la fonction paternelle, soit 156 pères. Mais bien que moins nombreux, ils accaparent le rôle de personnage principal : c’est le cas de 83,3% des pères. En effet la rare fonction de père est particulièrement valorisée : ils sont plus souvent définis "intelligents" et représentés avec des lunettes et il sont mis en scène dans des rapports plus riches avec leurs enfants.

On trouve encore trop souvent le père traditionnel qui lit le journal ou regarde la télé dans son fauteuil-trône et ses charentaises, qui bricole ou qui jardine. Il n’en reste pas moins que le père le plus répandu dans les albums est une absence, même si l’on se doute qu’il existe, puisqu’on voit une maison souvent confortable et bien équipée dans laquelle vivent une femme et des enfants bien nourris et bien habillés.

Les mères Dans le contexte du manque flagrant de personnages féminins, une femme sur deux est "affectée" aux fonctions maternelles et ménagères, de surcroît dévaluées puisque les 202 mères des albums n’accèdent au rôle de personnage principal que dans 16,7% des cas. Humaines ou animales, urbaines ou paysannes, les mères des albums sont des personnages secondaires. Disponibles et attentives, elles sont à la maison, occupées au soin des enfants et au ménage ; elles portent souvent un tablier et font le service à table. Et si elles sont dans la rue, c’est qu’elles conduisent les enfants à l’école ou en promenade ou reviennent du marché avec un cabas. Les mères des albums ne sortent pas seules, leurs relations, rarement personnelles, se limitent aux liens de famille et aux échanges imposés par la vie sociale des enfants : la ou les grand-mères, quelque sœur ou belle-sœur définie "tante" ou une voisine qui, elle aussi, a des enfants. On signale l’activité professionnelle de 5% des mères. Les rôles sociaux ou politiques leur sont interdits.

Les filles et les garçons Les nouveautés de 1994 permettent d’étudier une population de 725 enfants humains ou humanisés parmi lesquels 60% sont des garçons et 40% des filles (ce pourcentage atteint les proportions de 70/30 chez les animaux habillés !). Moins nombreuses, les petites filles sont moins souvent héroïnes ( les garçons sont personnages principaux dans 60% des cas). Mais les albums ont intégré une réalité que les enseignants et les enfants eux-mêmes connaissent bien : des filles vives, intelligentes, imaginatives, bonnes élèves... Ils leur reconnaissent souvent le sens de l’humour, les décrivent comme courageuses et autonomes. On les voit désobéir et s’opposer aux adultes, se mettre en colère. Apparaît même un contre-stéréotype : des filles plus entreprenantes que les garçons. Pourtant les stéréotypes sont résistants, les défauts et les qualités qu’on attribue de tout temps aux filles et aux femmes sont encore là : on les montre coquettes, frivoles, passives, gourmandes, rapporteuses et, bien plus souvent que les garçons, faisant le ménage, la cuisine, maternant, et préoccupées de flirts et de rencontres amoureuses. Elles sont habillées dans un style "féminin" (78 %) ou "ultra-féminin" -nœuds, fanfreluches- (4%). 18% seulement sont habillées "unisex". Quant aux garçons, ils se bagarrent, embêtent les filles et sont souvent violents, effrontés, insolents, moqueurs et farceurs. Mais on trouve aussi un contre-stéréotype : des garçons plus gentils, plus sensibles et plus serviables que les filles. La disparité entre filles et garçons en ce qui concerne les objets, jeux et jouets qui les caractérisent est notable : 37 garçons contre 4 filles ont des équipements pour les jeux de plein air et le sport, 46 garçons contre 26 filles ont des jeux d’intérieur du type intellectuel. D’une façon générale les garçons possèdent plus de jeux et de jouets. 15 garçons jouent d’un instrument musical contre 5 filles (dans 3 cas le piano). Les albums décrivent davantage de relations parent/fils que parent/fille. Dès son plus jeune âge le garçon reçoit davantage de soins que la fille, aussi bien de la part du père que de la mère (nourrir, habiller, laver, coucher...). Le fils est plus récompensé et encouragé par ses parents que la fille, envers laquelle on a plus d’exigences : on lui donne plus d’ordres, on lui pose plus fréquemment des interdits, on la punit plus souvent.

 chaumières et châteaux

Chaumières... La description de la famille la plus traditionnelle est souvent confiée, dans les albums, aux "animaux habillés". En effet, ils permettent aux auteurs de s’adonner à cœur joie à des symboles sexistes comme le tablier, le cabas, le balai, la soupe, le journal, le grand fauteuil de papa et de faire passer des modèles de comportement et de relations qui, malgré le sexisme généralisé des albums, apparaîtraient choquants chez des hommes et des femmes d’aujourd’hui... Dans de petites chaumières les animaux habillés mènent, à la campagne, une vie de petits rentiers. Rivalités de voisins, espionnages, méfiance envers les étrangers (discours rendu légitime par la réalité de la lutte entre espèces différentes) et mauvais coups de toutes sortes apparaissent acceptables chez les lapins ou les blaireaux, animaux sympathiques et présumés innocents. La loi de la forêt où vit le petit peuple des animaux qui s’habillent en humains est... la loi de la jungle ! Les animaux habillés ne travaillent pas, ignorent la technologie et l’actualité malgré le journal que le père brandit à tout moment et qui est plutôt le symbole de son désœuvrement que celui de son intérêt pour les affaires du monde. Dans les maisons étriquées et bien tenues des animaux habillés abondent les pères autoritaires, les mères aux fourneaux (à l’ancienne : cuisinières à charbon, seaux métalliques, balais de bruyère...). Et abondent les petites filles idiotes et les garçons virils, les grand-mères séniles qui racontent des histoires à la morale réactionnaire. Les animaux habillés sont porteurs d’un message d’égoïsme, de sexisme, de racisme : c’est eux qui montrent aux enfants les rôles sexuels les plus rigides, qui leur apprennent à se méfier des différences.

…et châteaux Les habitants des châteaux sont l’équivalent bourgeois des animaux habillés. Le conte moyenâgeux véhicule la même nostalgie de la famille patriarcale que les petits bourgeois retraités de la forêt. Rois tyranniques, reines passives ou inconsolables, belles princesses mises à l’encan ou offertes comme prix au héros... Souvent parodique, le conte moyenâgeux fait semblant de trouver ces mœurs absurdes ou du moins démodées. Mais la légère ironie n’est pas critique : comme dans les chaumières, dans les châteaux, les pères sont des rois et les reines, si elles ne font pas toujours le ménage, n’ont aucun pouvoir.

 Le travail

La hiérarchie que les albums transmettent aux enfants est essentiellement celle du travail. Travail "masculin" économiquement productif et/ou prestigieux, travail "féminin" gratuit, ancillaire, voire humiliant. D’ailleurs les albums ne se contentent pas de présenter quelques métiers récurrents mais révèlent une palette très variée d’activités, monopolisées massivement par les hommes : 32% montrent un homme au travail contre 15% une femme au travail.

Mais à la disparité de nombre s’ajoute une inégalité criante : recensant la cinquantaine de métiers tenus par des femmes (ou animaux humanisés femelles) on note qu’elles sont cantonnées dans les métiers du commerce et les traditionnels métiers de l’enseignement, du soin et du service, et on n’hésite pas à montrer une réparatrice de cycles, une horlogère et une cordonnière qui font leur métier en dépit du bon sens, une vache pilote d’avion qui fait un crash, des chiennes-danseuses de revue "emplumées"... Une reine gouverne son royaume, une mère est cadre et une femme est une intellectuelle. En revanche, les hommes, du bas de l’échelle sociale aux plus hautes fonctions, sont insérés dans la cité par leur travail.

Le travail du père, peu évoqué, est symbolisé par le porte-documents et surtout par le grand fauteuil-trône, qui parle d’horaires définis et de droit au repos et au loisir, privilèges masculins.

Cartable et grand fauteuil s’opposent au tablier, symbole du rôle féminin : la maternité, le service domestique sans horaires, la disponibilité permanente pour la famille. Le travail du père, peu évoqué, est symbolisé par le porte-documents et surtout par le grand fauteuil-trône, qui parle d’horaires définis et de droit au repos et au loisir, privilèges masculins. Cartable et grand fauteuil s’opposent au tablier, symbole du rôle féminin : la maternité, le service domestique sans horaires, la disponibilité permanente pour la famille.