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Cours d’histoire contemporaine : la tragédie Matthew Shepard, 21 ans, assassiné, crime homophobe

lundi 12 août 2002, par phil

 En octobre 1998, Matthew Shepard, 21 ans, est retrouvé sauvagement battu, agonisant attaché à une barrière en rase campagne à Laramie aux Etats-Unis.
 "The Laramie Project" est le portrait d’une ville douloureusement contrainte de se confronter à elle même sous les feux des médias entre amour et colère, entre sympathie et méfiance. Une extraordinaire palette des façons de percevoir l’homosexualité - et donc d’aborder l’homophobie - dans l’Amérique profonde d’aujourd’hui.
 La diffusion d’extrait du film ou le visionnage du DVD du film est une amorce au travail à élaborer en cours d’éducation à la citoyenneté qui suit.

 Texte d’étude :

 L’horrible meurtre de Matthew Shepard, étudiant gay de 22 ans, a bouleversé l’Amérique (extraits d’un article paru dans le Nouvel Observateur en 1999)

« Ils se sont acharnés sur lui avec une violence telle que le cycliste qui l’a trouvé a d’abord pensé qu’il s’agissait d’un épouvantail. Et puis il s’est approché et il a découvert que la forme attachée à une barrière était un jeune homme mourant. Matthew Shepard, un étudiant de l’université du Wyoming âgé de 22 ans, a succombé lundi 12 octobre à ses blessures et brûlures multiples. Matthew était gay et ne s’en cachait pas, et il vivait dans une petite ville. Même si la police souligne que le motif principal du crime était le vol, les deux suspects du meurtre, 21 et 22 ans, se sont fait passer pour des homos afin de l’attirer dans leur pick-up, et l’ont tué avec toute la rage de leur haine antihomo. Ce meurtre succède à une série d’assassinats de gays dans le quartier homo de New-York, Greenwich Village. Et une fois de plus, l’Amérique s’interroge sur son attitude à l’égard de la communauté homosexuelle. Car les études se succèdent et se ressemblent toutes (...) il faut souvent beaucoup de courage pour afficher sa différence (...) A l’école, 33% des élèves homosexuels ont des difficultés à afficher leur homosexualité, 46% modifient leur comportement afin d’éviter tout harcèlement et 79% n’osent pas signaler les incidents dont ils sont victimes, selon une étude récente. Dans un autre sondage conduit l’an dernier auprès de 4000 élèves du Massachusetts, 22% de ceux qui se disaient homosexuels avaient manqué l’école au cours du mois précédent parce qu’ils se sentaient menacés et 31% affirmaient avoir été insultés ou blessés. Une troisième étude, menée dans la région de San Francisco auprès d’étudiants de premier cycle, est encore plus terrifiante : 32% des élèves interrogés affirmaient avoir menacé verbalement des gays et 18% avouaient avoir recouru à la violence physique. Les chiffres sont similaires dans de nombreuses universités, où se multiplient pourtant les "cours de tolérance" sur le racisme et l’antisémitisme. (...) Sous le choc, plusieurs responsables ont demandé que l’Etat fédéral- ou au moins de Wyoming- passent des lois "anti-haine" protégeant les homos, au même titre que d’autres minorités en punissant les auteurs de violence antihomos plus sévèrement que ceux de crimes "ordinaires". (...) La loi fédérale, elle, ne reconnaît pas le préjugé sexuel au nombre des catégories susceptibles d’inspirer des "hate crimes" (crimes de haine).

 Extrait promotionnel du film DVD à visionner en classe :


The Laramie Project trailer VOST FR by quasiheros
The Laramie Project trailer VOST FR
envoyé par quasiheros

 Amorce de débats en classe :

Comme première approche - après avoir résumé la tragédie, et précisez quelques détails pouvant manquer - permettre à vos étudiants de partager ce qu’ils connaissent sur le sujet. Laissez-les exprimer leurs sentiments et en discuter.  Engagez vos étudiants dans une discussion sur les motivations du crime ; qu’est-ce qui perpétue dans notre société des attitudes qui font cette violence ? Croient-ils que les jeunes hommes qui ont commis ce crime ont pu considérer Matthew Shepard comme un être humain pareil à eux-mêmes ? Pourquoi ? Pensent-ils que cela fit une différence qu’ils savaient qu’il était gai ? Cela peut amener quelques étudiants suggérer que Matthieu pur se protéger n’aurait pas dû laisser les gens connaître son identité homosexuelle. Vous pouvez alors utiliser cette assertion pour discuter de la justesse de son attitude : devons-nous ou pas demander aux gens de cacher une part importante de leur personnalité, de leur vie ? Vous pouvez encourager vos étudiants à imaginer ou évoquer s’ils avaient eu des secrets ou des aspects d’eux mêmes les faisant estimer différents, comment appréhenderaient-ils de tenir cacher ces parties d’eux-mêmes ? Comment le supporteraient-ils ? Vous pourriez aussi amener votre groupe classe à discuter "l’accusation de la victime". C’est un exercice avec lequel ils ne pourraient pas être familiers. Demandez-leur de considérer de tels incidents, a-t-on raison de doubler la sanction ? Demandez aux étudiants : est-ce que c’est plus facile de penser que le garçon gay pourrait être dans ce cas et pourquoi il est plus facile de penser cela ? Vous pouvez aussi leur demander : Matthew Shepard, dans ce qu’il a fait, y a t-il quelque chose qui ne va pas ? Est-il un mauvais garçon ? A t-il blessé quelqu’un ? En discutant des criminels et du motif, demandez à vos étudiants s’ils ont jamais blessé quelqu’un ou insulté quelqu’un parce qu’il est différent. Demandez leur s’ils ont jamais employé "la langue homophobe" (c’est-à-dire tous ces termes qui truffent nos conversations : pédés, enculés, gouine, tapette...)... Les étudiants peuvent dire qu’ils rigolent simplement. Demandez-leur s’ils pensent que chacun le sait. Partagez avec eux les données statistiques sur la violence et le harcèlement homophobe dans les écoles. Demandez aux élèves : comment ces jeunes meurtriers ont pu penser qu’ils devaient blesser quelqu’un de telle sorte ? Où et comment ont-ils appris qu’ils pouvaient ainsi agir et que c’était bien ? Comment auraient-ils pu apprendre autrement et respecter un jeune homosexuel ? Ebauchez une amorce d’interprétations et explications des phénomènes homophobes, pouvant aller jusqu’au crime. Evoquez les liens qui unissent la discrimination homophobe et la discrimination sexiste. Reprenez les arguments défendus par Daniel Welzer-Lang sur la "maison des garçons" moule à virilité et celle des femmes et des homosexuels - signe du risque de perte de la virilité et d’une identité masculine forte et puissante. Réfléchir sur l’assertion suivante (et ce qui en découle) : "un garçon, ça ne pleure pas". Concernant les témoins. Si vos étudiants ont suivi les actualités, ils connaissent deux jeunes femmes- les petites amies des criminels qui sont restées là jusque vers la fin des faits. Elles sont des complices. Demandez à vos étudiants s’ils seraient restés là à regarder quelqu’un se faire harcelé, insulté ou blessé ? Comment se seraient-ils sentis ? Pourquoi ne seraient-ils pas impliqués ? Ne s’impliquant pas, ne pensent-ils pas signaler aux criminels, à la victime, à d’autres témoins que c’est bien ? Comment se sentiraient-ils ainsi victime dans une telle situation de non réactivité des autres ? Comment voudraient-ils que d’autres agissent, s’ils étaient la victime ?  Quel genre de message, votre communauté scolaire/éducative communique-t-elle sur les gais et lesbiennes ? Comment ce message pourrait-il être amélioré ?  Suggestions en fonction des disciplines scolaires. Engager sa classe dans une discussion d’actualité est assez logique et facile. Demander aux élèves s’ils peuvent témoigner d’une action de prévention anti-gay dans leur établissement scolaire. Les classes de français peuvent lire un article et écrire des réponses aux questions sur les textes, discuter leurs travaux.

Pour conclure, les enseignants ne doivent pas être silencieux devant une telle tragédie aussi terrifiante. Les étudiants ont besoin d’explorer leurs sentiments devant cette affaire si horrible. Nos recommandons d’en fournir l’occasion avant de mettre en perspective des théories les amenant à constater leur propre homophobie et revoir leur attitude à l’égard des homosexuels.