Accueil > AMPHI ALTER > Harcèlement à l’école : une douleur qui reste parfois à vie

Harcèlement à l’école : une douleur qui reste parfois à vie

lundi 26 août 2013, par Andy

Lorsque l’altérité est niée, soudain le harcèlement apparaît ;
Harcèlement à l’école : une douleur qui reste parfois à vie


« Ça reste gravé, je n’ai pas de bons souvenirs de mon enfance... » Aurélie Piaud, victime de harcèlement dès l’école primaire

Le harcèlement entre élèves est un sujet dont on a longtemps minoré l’importance. Des Assises nationales étaient réunies sur ce thème, lundi et mardi, au lycée Louis-le-Grand à Paris, par le ministre de l’Education nationale, Luc Chatel. Certains, surtout parmi les opposants à la politique gouvernementale de réduction des postes d’enseignants, trouveront que cette initiative est une occasion pour le ministre de soigner sa communication. Ils n’auront pas tort, mais ces assises ne peuvent se limiter à une diversion. Selon plusieurs études, environ un élève sur dix, à tous les niveaux de la scolarité, est en effet victime d’actes de harcèlement. Le chercheur Eric Debarbieux, qui préside le conseil scientifique des États généraux de la sécurité à l’école, a rendu au ministre un rapport dans lequel il résume les connaissances sur la question et préconise une série de mesures.

Voici la définition qu’il donne du harcèlement scolaire : « Une violence répétée, verbale, physique ou psychologique, perpétrée par un ou plusieurs élèves à /’encontre d’une victime qui ne peut se défendre. »

Mais pour comprendre vraiment ce qu’est le harcèlement, pour ne pas le confondre avec des « chamailleries », il en faut en donner des exemples. A l’occasion de ces assises, des témoignages de victimes ont été collectés. Ils sont souvent effrayants, et révèlent de graves insuffisances au sein de l’Education nationale. Les faits touchent toutes les catégories d’établissements et ne sont absolument pas limités aux zones « sensibles ». Aurélie Piaud, 27 ans aujourd’hui, a été harcelée dès les petites classes. L’élément déclencheur est souvent dérisoire : une petite « différence » suffit. Pour elle, c’était l’habillement. « Ma famille n’avait pas beaucoup de moyens, on s’habillait au Secours catholique », raconte-t-elle. Au début, à l’école primaire, elle était surtout la cible d’attaques verbales. A son entrée en 6e, le phénomène passe au stade supérieur : elle prend des coups. Le stress et l’anxiété lui font déclencher une crise d’épilepsie pendant un cours. Le résultat est que ses tour-menteurs se déchaînent en imitant ses convulsions. Un jour, elle est mise à nu dans un car scolaire, sans que cela ne déclenche de réaction du côté de l’encadrement de son établissement. « Il fallait faire comme s’il ne s’était rien passé, Une fallait surtout pas en parler », dit-elle. Pour des raisons similaires, la plupart des ex-harcelés en veulent beaucoup au système éducatif qui n’a pas su les protéger, Même s’ils se rappellent aussi avoir tout fait, selon un schéma classique de culpabilité des victimes, pour cacher leur malheur, C’est au lycée, après avoir failli « sauter à la gorge » d’une persécutrice, qu’Aurélie a « cessé de se laisser faire ». Elle témoigne aujourd’hui d’une voix claire et énergique, comme une personne définitivement tirée d’affaire. Mais, dit-elle, « ça reste gravé, je n ’ai pas de bons souvenirs de mon enfance »...

D’autres ont été harcelés parce qu’ils étaient trop gros, ou bien pour leur homosexualité réelle ou supposée, un grand prétexte au harcèlement. Mais tous les sujets peuvent tourner au drame. Il y a six ans, Sébastien, élève de 4e, bégayait un peu. Ce fut assez pour tout déclencher... et le mener au suicide. « On l’a poussé à bout », raconte sa mère, Monique Teriac. Les parents sont aujourd’hui en procès avec l’Etat, « .pour que d’autres ne subissent pas la même chose ». »

Luc Cédelle


Voir en ligne : Article issu du Journal Le Monde