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Femme et pub, une histoire, une évolution... ou presque

mardi 2 août 2011, par Lionel 3

Un article issu de feu le magazine Culture Pub : Femme et pub, une histoire, une évolution... ou presque ; Par Laurence Armangau, Magazine Culture Pub (extrait)


Dans la pub, l’image de la femme a été mise à toutes les sauces : façon << docteur es taches ménagères », évidemment, mais aussi façon << papier attrape-mouche ». Dans ce dernier cas de figure, on peut même dire que seul un tronçon de la femme est exploité puisque ce sont ses formes qui interpellent le consommateur potentiel, pour un produit sans le moindre lien avec cette plastique. Au cours de sa longue carrière publicitaire, la femme a aussi fréquemment servi de cobaye pour tout ce qui pouvait s’avérer d’un emploi compliqué. Le principe était infaillible : si, par exemple, une femme arrivait a utiliser un magnétoscope, n’importe qui pouvait en faire autant. Certes, la pub fait de plus en plus appel à l’intelligence de la femme, a sa raison et a sa sensibilité, mais elle continue malgré tout à traîner des casseroles de cliches publicitaires. Petit passage en revue de l’évolution de son image dans les rôles qui lui sont traditionnellement dévolus.

L’ÉPOUSE

Dans les années 50, c’est le rôle majeur de la femme. Mais attention, à cette époque, l’épouse est systématiquement entourée par les autres membres de la famille. Manquerait plus qu’elle est une vie a elle ! Le papa, les petites têtes blondes, voire les ancêtres, sont donc régulièrement sur la photo. Ce n’est pas compliqué : sans eux, elle n’existe pas, elle n’a pas d’identité propre. Dans les années 70-80, qui voient l’éclatement de la cellule familiale, on a tendance à jeter l’épouse avec l’eau du bain. Les scènes de bonheur familial se raréfient. Toutefois, comme il ne faut pas effrayer la ménagère de Montauban, on prend soin de donner un statut social acceptable à la femme. Ainsi, certains annonceurs vont jusqu’à retourner des plans de leurs films pour ajouter discrètement une alliance au doigt de leur héroïne. Faudrait pas qu’elle monte dans la bagnole d’un autre type que son mari légitime quand même ! La véritable naissance publicitaire de la femme-épouse, en tant qu’individu à part entière, est assez récente. En fait, elle coïncide avec l’apparition de la communication pour les seniors, du type Cortal ou les conventions obsèques. Pour résumer, on est confronté à deux images de l’épouse qui correspondent à des moments clés : celui du mariage, avec la robe en meringue, et bien des années plus tard, celui de la ménopause. Entre les deux, la femme est... une mère.

LA MÈRE

Ce rôle a été marqué par deux mutations profondes. La première est liée aux << accessoires >> de la maternité : les enfants. Fini le temps des dociles chérubins qui faisaient la fierté de leur maman. Aujourd’hui, il n’est même rien de pire que de proposer ce modèle » aux mères de famille. Plus les mômes fichent le souk, " plus elles sont contentes, car ce que l’on appelait autrefois du mauvais caractère, est désormais << de la force de caractère >> La publicité montre donc des enfants de plus en plus autonomes. Ils sont en bande, avec leurs copains plus qu’avec leurs parents (Petit Bateau, Oasis...) et, du coup, les situations conflictuelles entre mamans et enfants prennent le pas sur l’image d’Epinal longtemps admise. C’est même carrément eux qui font la loi 51 la maison. Ils se foutent de la tronche de leur père (pour l’instant, la mère échappe à leurs sarcasmes) dans Candia ou Filou Cub’s, passent outre les interdits et s’empiffrent joyeusement de crème au chocolat en dehors des heures de repas. .. Autre évolution fondamentale pour la mère : apparition du père. La sacro- sainte prédominance maternelle vis-a-vis des rejetons a été sérieusement ébranlée depuis que les hommes ont décidé de s’occuper de leur progéniture. Avec l’augmentation des divorces et son corollaire, le fameux << un week-end sur deux >>, fallait bien qu’ils s’y mettent, les mecs. Depuis le début des années 90, l’education au quotidien est aussi le lot du papa (Vache qui rit, mou- tarde Amora, Candia. MacDonald’s). Les mamans conservent néanmoins une << prérogative >> sur leur époux quand il s’agit de mettre les mains dans la m... Dans l’univers de la couche-culotte, les pères brillent par leur absence ou, quand ils pointent le bout de leur nez, ils font tout de travers. Ce rôle de maman reste un véritable carcan publicitaire pour les femmes. Alors qu’aujourd’hui 80 % d’entre elles travaillent, elles sont toujours réduites au seul statut de mères de famille. Quasiment nulle part — à l’excepti0n de la désormais très vieille campagne Barbara Gould, <<]e suis mère et maire >>, et de la saga des divorcés de Nescafé — il n’est pas envisagé que la mère puisse faire autre chose de ses journées que de se consacrer corps et âme a ses rejetons. Les publicitaires ont évidemment une explication imparable. C’est la faute des annonceurs, notamment ceux du secteur alimentaire, qui ont besoin d’une image idéalisée de la mère, entièrement vouée au bien-être de ses enfants.

LA MÉNAGÈRE

Autre grande contribution féminine à la publicité : la ménagère. C’est LE rôle de prédilection de la femme depuis les débuts de la réclame. Un rôle qui lui colle un peu trop à la peau et dont elle aimerait bien se débarrasser, mais qui a connu, somme toute, quelques évolutions intéressantes. Son histoire commence avant- guerre : les maîtresses de maison font la leçon a leurs domestiques, souvent fraîchement déboulés de leur …… ; et à qui il faut décidément tout apprendre. Dans les années 50, la disparition progressive des gens de maison et l’apparition de produits << révolutionnaires tels que les soupes déshydratées et les lessives en poudre, démystifient notre parfaite ménagère. Pire, c’est l’homme qui va désormais jouer le pédagogue, rôle qui était jusque-là réservé a la maîtresse de maison. Le mari qui, chaque matin, part à la conquête du monde extérieur, peut en effet se permettre de donner des leçons de modernité à cette pauvre bobonne scotchée a ses fourneaux. Ben voyons ! C’est ainsi que, doucement mais sûrement, la ménagère devient la nunuche de service qu’il faut déniaiser. Ce n’est qu’en 1982, suite à un projet de loi (non abouti) d’Yvette Roudy, ministre déléguée chargée des Droits de la femme, que les choses commencent à bouger. Et pour cause, le texte visait à abolir toute discrimination liée au sexe. La Régie française de publicité (RFP) qui avait, entre autres, les attributions de l’actuel Bureau de vérification de la publicité (BVP), recommanda donc aux publicitaires de répartir les riches ménagères au sein du couple ! Le règne des hommes en tablier, imposé par les marques qui se voulaient hyperbranchées, avait commencé. Plus monsieur astiquait le parquet et plus madame reprenait du galon, en assumant la mission pédagogique qui lui avait si longtemps échappé. « Mais enfin minou, ce n’est pas comme ça qu’on élimine le gras cramé de la gazinière >> Cette inversion des rôles, complètement artificielle, est tombée rapidement dans la caricature. Bizarrement, ce sont les campagnes pour les lessives, et plus précisément les singes d’Omo et la famille Simpson de Vizir, qui ont fait évoluer les choses. Pourquoi ? Parce que bobonne avait enfin disparu de l’image. Sauf qu’a y regarder de plus près, il ne s’agissait que d’une transposition humoristique du modèle classique de la ménagère. Mais bon, on est sur la bonne voie puisque Ariel vient de sortir un film où monsieur écrivaille à la maison et lave les chemises de madame pendant qu’elle va gagner la croûte du ménage. Ça, c’est de l’évolution... sauf que l’on n’y croit pas tellement.

L’EXECUTIVE WOMEN

L’émancipation de la femme passait par sa carrière professionnelle. Donc, si l’on était une marque de produits féminins s’adressant à une cible relativement jeune, il fallait lui proposer un schéma d’identification flatteur : une femme émancipée. Si celle-ci pouvait mener quelques mecs à la baguette, c’était encore mieux. Ce sont les films pour les déodorants Vie Active qui ont donné le coup d’envoi de l’ère des << executive women >>. En quelques années, les annonceurs nous ont gratifiés de chefs-d’œuvre, comme le spot mémorable ou Cindy Crawford distribuait des feuilles blanches a une brochette de costards-cravates sagement assis autour d’une table de réunion. Téléportées dans des rôles statutaires jusqu’alors réservés aux hommes, les femmes en ont profité pour leur piquer leur look. Elles étaient ultra- sophistiquées (pour être sures de ne pas être confondues avec celles qui transpiraient en faisant les carreaux) et portaient des tailleurs. Cette caricature perdura jusqu’en 1991. Et puis, patatras ! Avec le film Alka Seltzer qui montre une << executive woman >> extenuée après une dure journée de labeur, préférant avaler un comprime effervescent plutôt que le bœuf miroton mijote par son mari, le mythe s’écroule. Pourquoi ? Parce qu’au cours des années 90, la réalité a rejoint le modèle. Les femmes ont enfin obtenu leurs galons professionnels et, du coup, elles ont pu s’ouvrir à d’autres choses. A l’univers automobile notamment, ou elles s’étaient longtemps illustrées en bikini sur le capot. Grace à la Peugeot 106, la femme prend le volant. Y compris de sa pub. En 1994, le slogan << Les hommes vont être fous de la voiture de leur femme >> offre pour la première fois une communication automobile qui valorise leur rôle de prescriptrices, alors qu’elles sont déjà à l’origine de plus d’un tiers des ventes. Les autres marques ne tardent pas à suivre, allant même jusqu’à axer la communication de certains modèles exclusivement sur les femmes : Toyota Fun Cruiser ou encore Toyota Pic Nic.

Last but not least : la pétasse. Ou bien la chienne, la salope, l’allumeuse, la bimbo, comme vous voudrez. C’est celle dont la présence ne se justifie que par sa plastique aguicheuse. Au début de sa carrière publicitaire. sa seule légitimité était d’accrocher sans peine le regard du mâle. Jennifer en bikini sur le capot d‘un coupe sport... Y a pas mieux pour flatter l’ego viril du Francais moyen qui se prend pour 007. La femme-objet, instrumentalisée pour appâter le chaland, est une ficelle vieille comme la publicité. .. Sauf qu’aujourd’hui, ce n’est plus vers monsieur qu’elle lorgne... c’est vers madame. Les femmes dénudées, aux poses lascives, pullulent dans les pubs qui ciblent les femmes (fringues, accessoires, parfums...) alors que plus personne n’oserait utiliser ce procédé pour séduire les hommes, de crainte de passer pour un ringard ou, pire, de s’attirer les foudres des Chiennes de garde. Bref, désormais, les allumeuses s’adressent aux... femmes, et c’est << publicitairement correct >>.

Bilan : en cinquante ans de publicité, la femme a pris du galon, mais elle y a aussi laissé quelques plumes. Sa domination incontestable et incontestée sur la maison et les marmots en a pris un coup. Les hommes célibataires se préparent des petits plats, les maris lessivent les sols et les papas commencent à changer les couches. Même les chats, les animaux domestiques dont jadis les femmes s’occupaient exclusivement, sont récemment passés dans des gros bras muscles. Enfin, pas tout à fait, puisque c’est Martin Lamotte qui s’était colle à la publicité Whiskas. Pire, le dernier bastion exclusivement féminin vient de tomber : la minceur. Les 0 % et autres allégés nous revenaient de droit (rapport au fameux régime << maillot de bain >>), et voilà que les mecs s’en mêlent. Ils ont commencé par piquer la bouteille de Contrex à leur bonne femme, et maintenant ils étalent leur bide en 4 m x 3 rn pour les nouveaux Sveltesse. Enfin, là, on ne va pas se plaindre. Primo, on verra peut-être plus de beaux mecs minces sur les plages. Secundo, eux aussi vont en baver côté régime. Et toc !

Laurence Armangau, Magazine Culture Pub