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Homophobies et Homophobes

lundi 28 août 2000, par Andy

Il y a plusieurs homophobies et donc plusieurs “types” d’homophobes.

L’homophobie peut avoir plusieurs origines. On compte notamment parmi celles-ci d’une part l’éducation reçue et la religion qui représentent l’essentiel de l’homophobie acquise, et d’autres part la peur de l’autre (associée à la peur de l’image que va donner l’autre) et l’ignorance qui représentent l’homophobie “innée” (Ces deux listes ne sont pas forcément exhaustives). A celles-ci s’ajoute la peur d’être soi-même homosexuel(le), qui est une combinaison d’homophobie acquise et innée car il semble qu’un grand nombre de personnes passent par de tels désirs (innéité) et, sous la pression éducative (donc acquise), ne les acceptent pas. L’homophobe est souvent le produit de plusieurs de ces facteurs.

L’homosexuel homophobe

Que ceux qui lisent ces lignes et qui ne se sentent pas à l’aise avec l’homosexualité ou la rejettent ne se sentent pas désignés en particulier : les homosexuels homophobes existent. Que ceux qui veulent s’en convaincre lisent Proust : les différents “types” d’homosexuels font souvent l’erreur grossière de se rejeter les uns les autres. Ainsi les virils ne veulent pas être mêlés aux efféminés qu’ils accusent de donner une mauvaise image de l’homosexualité. De même, les efféminés reprochent aux virils de ne pas assumer pleinement leur différence. Se rejeter ainsi est grotesque : les homosexuels qui réclament une acceptation pure et simple de la part des hétérosexuels ne savent parfois pas s’accepter entre eux. Une autre homophobie (relative) de quelques homosexuels est d’affirmer que maintenant que l’homosexualité est rentrée dans les moeurs, les homosexuels devraient faire amende honorable, car ils ont obtenu déjà “pas mal”. Ces homosexuels ce sentent visiblement coupables de ce qu’ils sont. C’est à dire que soit ils vivent l’homosexualité de manière “coupable” (ils ont fait le choix de cette sexualité de plein gré), soit ils donnent raison à l’homophobie environnante en pensant que la sexualité qui est la leur (foncièrement) est mauvaise dans son essence. Personnellement, j’ai du mal à comprendre cette idée qu’on puisse naître mauvais. Ces homosexuels, outre cette idée que je respecte mais ne partage aucunement, sont peut-être un peu trop égocentriques : ils oublient que d’autres homosexuels rencontrent encore beaucoup de difficultés, et que si leur vie personnelle est satisfaisante, celle de nombreux autres homos doit encore rester cachée.

L’hétérosexuel homophobe

L’hétérosexuel ne partage pas du tout le désir de l’homosexuel. Ceci peut le conduire, tant qu’il ne connaît aucun homosexuel, à penser que l’homosexuel est malade, pervers ou tout simplement dégoûtant sans jugement moral sur sa personne. Dès lors qu’il s’intéresse un peu à l’homosexualité, l’hétérosexuel est obligé de s’apercevoir que l’homosexualité est bien souvent un état et non un passage comme on le dit/croit encore beaucoup. L’homosexuel parle en effet souvent de sa différence qui, avant de se présenter sous forme de désir sexuel à l’adolescence, est bien présente tout au long de son enfance. Il exprime cette différence par l’admiration ou l’attirance inhabituelle qu’il a ressenti pour un camarade (le chef de la bande), un frère, un cousin ou encore une personne chargée d’encadrer son groupe. Parfois il l’a ressentie par ses amitiés plus fréquentes ou plus fortes avec des filles qu’avec des garçons. Ceci permet d’éliminer toute idée de perversion au sens où on l’entend – c’est à dire volontaire -, dans la mesure où on ne peut imaginer de perversion sexuelle chez un enfant avant l’apparition de ses désirs.
Si l’idée est que l’homosexualité est une maladie ou une dégénérescence, ceci, à mon sens, ne pourrait justifier la moindre haine. On ne hait pas les malades
Il est remarquable de noter que l’hétérosexuel a une réaction souvent bien différente, et bien naturelle, envers l’homosexualité féminine qu’envers l’homosexualité masculine. En effet, les hommes hétérosexuels, en particulier, acceptent plus facilement l’homosexualité féminine parce que, ressentant du désir pour la femme, ils sont capables de comprendre tout sentiment similaire et donc celui de la femme pour la femme. Parfois même, et ce n’est pas rare, l’homosexualité féminine fait partie de ses fantasmes (se référer pour s’en convaincre à la presse ou aux vidéos pornographiques hétérosexuelles pour hommes qui exploitent abondamment ce désir) car il se voit volontiers au milieu de deux femmes qu’il imagine comme deux conquêtes abandonnées à lui. (Par contre, si l’expérience se présente, il doit réaliser que celles-ci ne sont pas du tout intéressées par lui. Sa réaction est alors souvent homophobe, violente et/ou insultante d’autant plus qu’il est touché dans son amour propre par ce refus). De leur côté, les femmes comprennent mieux l’homosexualité masculine puisque, selon le même schéma, elles partagent avec eux l’attirance pour l’homme. Le fantasme corollaire d’une femme se trouvant au milieu de plusieurs hommes semble, par contre, aujourd’hui, moins répandu, sans doute parce que sa sexualité est relativement différente de celle de l’homme.
Ceci explique assez justement l’homophobie banale due à la peur de l’autre, du différent de soi. L’homosexualité est mieux acceptée dans la mesure où c’est le sexe qui nous attire qui s’attire mutuellement. Par contre, celui qui est soi-disant comme moi mais qui ne partage pas mon désir et de qui je ne partage pas le désir est une bête curieuse.

Rejet de l’homosexualité masculine en particulier :

Une hypothèse expliquant l’homophobie innée, envers les homosexuels masculins, résiderait dans la notion de saleté que revêt le rapport sexuel avec l’anus. Il serait bien orgueilleux de ma part d’imaginer changer la perception que ceux qui n’ont pas essayé en ont, cependant ceux-ci doivent bien réaliser que les homosexuels, même s’ils doivent faire avec ce qu’ils ont, biologiquement, pour pratiquer la pénétration, ne sont pas plus attirés par la scatologie que les hétérosexuels. Il faut bien donc que ce ne soit pas aussi sale qu’ils le pensent pour que les homosexuels en fassent l’usage. Car les homosexuels peuvent quand même avoir une sexualité sans pénétration annale : cela arrive bien souvent. Ils utilisent alors les pratiques bien connues et bien moins effrayantes des hétérosexuels. N’oublions pas, enfin, pour clore ce chapitre, que la pénétration annale n’est pas le propre de l’homosexualité puisqu’elle est également pratiquée par les hétérosexuels. Donc si phobie scatologique il y a, elle doit, si besoin est, être canalisée vers ceux qui la pratiquent et non vers une population qui la pratique “en général”. Malgré cette explication, je ne pense pas que la pénétration annale soit vraiment à l’origine du rejet de l’homosexuel. Je voudrais attirer l’attention sur l’insulte “enculé” : la personne qui pénètre n’est jamais prise en défaut comme une personne “ridicule”. C’est toujours la personne pénétrée qui est mise à l’index par ce genre d’insultes. Cette remarque peut permettre de penser qu’il n’est pas si mal vu d’avoir un rapport sexuel avec l’anus d’autrui, tandis que ce qui est véritablement mal vu est de se laisser “soumettre” en offrant son anus au partenaire (cette idée peut révéler l’extraordinaire sexisme qu’il y a dans une telle vision des choses : pas de problème que l’homme soit homosexuel tant qu’il pénêtre, tant qu’il reste homme, donc, d’une certaine manière, tandis que s’il occupe le rôle de la femme, il devient méprisable…). Ici la salubrité de l’acte n’intervient absolument pas dans la perception de l’insultant : pour l’homophobe, bien souvent, seule la position est dégradante.
Une autre explication semble, elle, très réaliste : il s’agit de la peur de l’hétérosexuel d’être pénétré. Je vous renvoie à l’insulte citée ci-dessus. Un certain nombre de psy (que je n’aime pas beaucoup citer tant leurs explications se contredisent parfois) parlent effectivement de la fascination (mélange d’attirance et de dégoût) que semble avoir la gente masculine à propos de cette idée. Un seul exemple ne vaut pas forcément plus que le cas dont il parle, donc je ne vais pas généraliser, mais j’ai discuté avec un homme, en couple hétérosexuel harmonieux et heureux, qui m’a révélé avoir ce désir intense. Il n’a pourtant pas le sentiment d’être bisexuel. Ainsi existe-t-il aussi la peur du viol chez l’homme, qui le panique d’autant plus qu’il n’est habitué ni à l’idée qu’on puisse convoiter cette partie si intime de son corps (bien plus intime que son sexe puisqu’il “partage” ce dernier lors de ses propres relations sexuelles), et encore moins à l’idée que la personne qui la convoite soit d’un rapport de force physique comparable au sien.

Rejet de l’homosexualité féminine en particulier :

Une explication de l’homophobie envers les homosexuelles résiderait dans la relative sagesse qu’on associe à la sexualité féminine. La femme ayant une sexualité différente, moins impulsive peut-être que celle de l’homme (il ne me semble pas que cela soit acquis : la nature animale est riche d’exemples où la femelle résiste ou, en tout cas, montre une certaine résistance devant les assauts parfois incessants des mâles). De ce fait les femmes sont peu à peu considérés comme des êtres n’ayant pas ou peu de sexualité innée et qu’il faut se montrer persuasif et/ou patient pour arriver à éveiller ce désir chez elles. Du coup, la femme et la sexualité sont quelque peu dissociées l’une de l’autre dans notre civilisation si bien que dès qu’on les ré-associe, c’est pour parler de filles qui ne courent pas les rues, des filles qui “aiment ça” qu’on qualifie alors facilement de “salopes” (vous pourrez chercher : on ne trouve aucun équivalent pour l’homme : il est considéré comme normal pour l’homme d’aimer le sexe, pas pour la femme). Ainsi lorsque deux femmes revendiquent leur sexualité commune, l’incompréhension voire l’ahurissement conduit à une réaction de haine, alimentée notamment par le fait que ces deux femmes-là sont forcément perverses. Autre homophobie.

Rapport de domination à casser !

Un hétéro s’estime supérieur à un homosexuel car l’homosexualité est toujours plus ou moins considérée comme une tare, une déficience (même si de nombreux(ses) homosexuel(le)s ont démontré leur grande valeur). Comme à l’école, on se sert de sa supériorité sur l’autre pour l’écraser et lui faire de la peine. Quand l’homosexuel assume son état, il devient en quelque sorte plus fort que l’hétérosexuel (du point de vue de l’hétérosexuel) car celui-ci constate que l’homosexuel(le) assume quelque chose dont il/elle devrait avoir honte (selon l’hétérosexuel) : cette constatation l’ébranle car l’homosexuel devient fort : il parvient à assumer sa différence tandis que lui qui n’en a pas (ou pas d’aussi fondamentale) se sentirait faible/honteux à sa place. Ainsi l’homosexuel se sent presque dominé par l’homosexuel qui assume.
Ce n’est peut-être pas toujours vrai alors il faut prendre des précautions avant de “s’afficher”, mais c’est une situation que j’ai pu fréquemment constater.
A cela, on peut ajouter que révéler à quelqu’un qu’on est homosexuel, c’est lui faire confiance. Faire confiance à quelqu’un, c’est le grandir, lui donner de la valeur. Et cela, même si la personne a de mauvais a priori sur les homosexuels, c’est installer une relation saine entre deux personnes.
Si on ne peut faire cela, ce qu’il faut éviter à tout prix, c’est mentir. On n’a le droit de se taire sur sa sexualité, cela peut rester privé. Mentir c’est dire à l’autre qu’on ne lui fait pas confiance et si on est amené à la revoir régulièrement, c’est peut-être un jour affronter sa réprobation à cause du mensonge. Toute personne a le droit d’en vouloir à une autre qui ne lui a pas dit la vérité.

Source : Alterheros.com