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Les difficultés à vivre l’homosexualité à l’adolescence

jeudi 29 août 2002, par phil

" Les adolescents homosexuels, garçons et filles, constituent un groupe hétérogène peu étudié. La connaissance de l’homosexualité à l’adolescence est donc partielle ou même erronée. Si tous les adolescents traversent des périodes communes de développement, les adolescents et adolescentes homosexuels font face à des dilemmes particuliers qui peuvent avoir des répercussions sur leur développement et leur adaptation."


 De fait, ils et elles présentent un risque plus élevé de crises psychologiques, lié à la découverte de leur homosexualité, au rejet par la famille ou par le réseau des pairs, au harcèlement ou aux agressions homophobes dont certains sont victimes et enfin au risque d’infection par le VIH ou autres MTS. Souvent, des jeunes constatent qu’une personne-ressource qui a accueilli positivement la divulgation de leur orientation homosexuelle a par ailleurs joué un rôle crucial dans l’acceptation de cette orientation et dans l’amélioration de leur estime de soi.

 Si, comme nous l’avons souligné précédemment, les adolescents homosexuels constituent un groupe hétérogène et méconnu, les lesbiennes sont encore moins connues que les garçons gais. La présomption d’hétérosexualité semble plus forte envers les filles, entre autres parce que la cohabitation et les manifestations ouvertes d’affection sont davantage acceptées chez elles et éveillent ainsi moins de " soupçons ".

 De plus, même si dans notre propos, nous utilisons les termes " gai " et " lesbienne " pour désigner des adolescents qui ont une orientation homosexuelle, il se peut que certains adolescents ne se sentent pas à l’aise d’être qualifiés de " gais " et de " lesbiennes ", parce qu’ils n’ont pas encore assumé leur orientation, ou encore qu’ils se considèrent davantage bisexuels, du moins à ce moment de leur vie.

 Les adolescents gais et lesbiennes disposent de très peu de modèles auxquels se raccrocher. Les jeunes en général reçoivent peu d’information pertinente quant à l’expression de leur sexualité (si ce n’est en ce qui concerne la réduction des risques de MTS) et encore moins s’il s’agit d’une sexualité homosexuelle. Les parents et la plupart des pairs ne peuvent servir d’exemples aux jeunes homosexuels, ni les soutenir d’autant que ces derniers ne peuvent partager leur situation et leurs difficultés avec leur famille, contrairement aux adolescentes et adolescents hétérosexuels.

 La plupart des jeunes connaissent des troubles émotionnels à un moment ou un autre de leur adolescence, et cela est d’autant plus vrai dans le cas d’adolescents gais et lesbiennes. Nous constatons que plusieurs, face à l’émergence de cette orientation homosexuelle, développent une très faible estime de soi, cela étant dû, entre autres, à l’image négative de l’homosexualité, aux rejets vécus et aux difficultés de socialisation avec les autres jeunes et avec l’entourage en général. / Cette faible estime de soi et les difficultés familiales et sociales liées à l’orientation homosexuelle expliquent nombre de problèmes rencontrés chez des adolescents gais et lesbiennes. [...] Selon plusieurs études, ces jeunes seraient plus portés que les autres adolescents à faire des dépressions suffisamment graves pour les conduire au suicide. En fait, le suicide est la première cause de mortalité chez ce sous-groupe. L’homophobie dont les jeunes gais et lesbiennes sont l’objet peut donc avoir les plus graves effets, trop souvent négligés.

 Les adolescents et adolescentes apprennent à s’adapter à leur orientation homosexuelle par étapes. Pour y arriver, ils doivent d’abord s’accepter en tant que gais ou lesbiennes par la destruction des mythes véhiculés par la société. Ensuite, ils doivent établir des relations amicales significatives avec des pairs, gais et lesbiennes entre autres, et éventuellement des relations amoureuses. Cette recherche relationnelle est importante pour acquérir une bonne estime de soi. Enfin, ils doivent apprendre à interagir avec leur milieu de vie, leur famille, leur milieu scolaire ou de travail et leur entourage. Chemin faisant, il faut aider les jeunes à comprendre qu’ils ont intégré l’homophobie manifestée par la société (voir figure 1). En raison de cette homophobie intériorisée, ils adoptent fréquemment de mauvaises attitudes face à leur sexualité. Il s’agit donc de les conduire d’une phase de négation ou de rejet de leur homosexualité à une phase d’analyse critique de l’attitude de la société.

 Le rôle des personnes-ressources adultes auprès des adolescents et des adolescentes est plus important qu’on peut le croire. Pour la majorité des gais et lesbiennes, la divulgation de leur orientation sexuelle est un moment crucial de leur vie ; aider les jeunes à révéler et à vivre pleinement leur orientation a donc des répercussions majeures. Souvent, des jeunes filles et des jeunes garçons homosexuels constatent que le soutien professionnel positif reçu lors de la divulgation de leur homosexualité a joué un rôle important dans leur acceptation de cette orientation et dans l’amélioration de leur estime de soi. Des études démontrent que le fait de ne pas révéler son orientation sexuelle peut être relié à une gamme de problèmes personnels et sociaux, dont la gêne, l’isolement et un sentiment d’incompétence devant l’existence. Par contre, la divulgation et l’affirmation de son orientation homosexuelle sont clairement reliées à un bien-être psychologique. La documentation sur la prévention du VIH établit par ailleurs une relation étroite entre ce bien-être psychologique et la capacité d’adopter des pratiques sexuelles sécuritaires. On est certes plus enclin à se protéger si l’on s’aime soi-même.

 Travailler auprès des adolescents gais et lesbiennes afin de les aider suppose qu’on s’adresse à eux en utilisant un message axé sur l’affirmation de soi et l’acceptation de leur propre orientation sexuelle. Au préalable, il faut tenter d’atténuer les messages négatifs et les problèmes causés à ces jeunes par les milieux où ils évoluent, soit la famille, l’école, l’église, etc. Faire contrepoids à l’homophobie qui les entoure n’est pas aisé, mais toute intervention qui omet ces étapes préliminaires n’atteindra pas son objectif final. "


 Source : RYAN Bill, FRAPPIER Jean-Yves, Quand l’autre en soi grandit : les difficultés à vivre l’homosexualité à l’adolescence, dans WELZER-LANG Daniel et al., La peur de l’autre en soi. Du sexisme à l’homophobie, Montréal 1995.

 http://www.monchoix.net/article81.html