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Que l’école prenne ses responsabilités face aux adolescents homos

dimanche 29 octobre 2000, par phil

Alistair Gun est chercheur en sciences de l’éducation à l’Université de Manchester. Il poursuit depuis trois ans une étude sur l’expérience scolaire de vingt adolescents homosexuels du nord de l’Angleterre. Sa recherche s’articule autour de deux questions principales : "comment en êtes-vous venu à réaliser que vous êtes homosexuel, et quelle a été votre expérience de l’institution scolaire ?"

 Le chercheur explique : "L’ensemble des participants évoque l’impression de se sentir très différent des autres, avant même de saisir en quoi consiste exactement cette différence. Certains ressentent une attirance pour leurs petits camarades de classe dès le primaire, d’autres à la fin du secondaire. Cette sensation d’étrangeté entraîne le sentiment de ne pas avoir de vraie place.

 Ce qui provoque une dégradation avec l’entourage et une réaction de repli sur soi. Certains réagissent en s’associant à d’autres élèves rejetés, ou deviennent très indépendant au point d’éviter toute situation de groupe. La plupart se souviennent avoir eu de meilleurs relations avec les filles qu’avec les garçons de leur âge. Beaucoup ont été victimes de violences homophobes sous la forme de commentaires ou d’insultes anti-gay et d’agressions physiques, ou même sexuelles, rarement sanctionnées, parfois aggravées par les enseignants eux-mêmes." Alistair Gun ajoute : "Ce qui donne l’impression de subir une violence "autorisée" par l’institution scolaire. Une forte majorité rapporte avoir particulièrement souffert de l’éducation physique, et ce dès l’école primaire. Les conséquences de cette situation d’ensemble sont nombreuses : désintérêt : désintérêt ou surinvestissement scolaire solitaire, anxiété, isolement, état dépressif, abus de drogue ou d’alcool, tentative de suicide. Vous pouvez mettre en place le meilleur système d’éducation au monde. Si ses utilisateurs le perçoivent de manière négative, c’est raté. Et l’expérience que ces jeunes ont de l’univers scolaire est très négative".

 Le chercheur en sciences de l’éducation souligne : "En classe, l’homosexualité n’est jamais étudiée. Et pour le coup, elle sert d’excuse à toute violence homophobe. Cela effrite la confiance que ces jeunes homosexuels ont en eux-mêmes. Comparé à leurs camarades hétérosexuels, leur épanouissement s’en trouve retardé ou même arrêté. Il suffirait de peu de chose pour rattraper le terrain perdu. Que la réalité de l’homosexualité et la situation de l’adolescent gay soient reconnues et évoquées par l’institution scolaire. En théorie, c’est très simple.

 Dans la réalité, les résistances institutionnelles sont colossales. Dans l’immédiat, il s’agit de parvenir à fournir au jeune gay, isolé et maintenu dans l’ignorance de sa réalité, le moyen d’accéder à une source d’information et de soutien. L’important c’est qu’une liaison soit établie. Une simple conversation avec un enseignant, un conseiller d’éducation, une infirmière, quelqu’un qui lui révèle où aller et quoi faire pour trouver ce dont il a besoin pour se construire, peut sauver le présent et l’avenir d’un adolescent gay. Il est nécessaire que l’école réussisse à assumer ses responsabilités face aux adolescents gays qui la fréquentent. Qu’ils ne constituent que dix, cinq ou même un pour cent de la population scolaire n’y change rien. Ils existent et sont présents. Ils ont le droit de voir leurs besoins pris en compte et satisfaits".

Extrait du journal Ex-Aequo Juillet-Août-Septembre 1999.