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Educateurs gays et lesbiennes : la gestion identitaire. Sandrine Pache

jeudi 29 août 2002, par Lionel 3

Extrait du mémoire de diplôme présenté par Sandrine Pache : "Educateurs gays et lesbiennes : la gestion identitaire".
Educateurs gays et lesbiennes : la gestion identitaire. Sandrine Pache


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 Le fait que les institutions éducatives s’occupent de jeunes et de personnes présentant des difficultés d’adaptation les incite probablement à se conformer aux normes sociales dominantes puisqu’elles sont censées offrir des modèles de formation et d’adaptation ou de réadaptation à notre société. Il est donc possible que cette situation conduise à une tension au sein des individus et des institutions entre les représentations sociales liées à l’homosexualité et celle liées au rôle d’une personne employée dans une fonction éducative. L’homosexualité n’étant pas encore considérée comme un modèle social « légitime », il est donc fort probable qu’une personne homosexuelle travaillant dans le milieu de l’éducation soit appelée à négocier, d’abord avec elle-même, puis avec son entourage professionnel, un niveau de « visibilité » qui lui permette d’exercer son métier sans qu’elle fasse l’objet de rejet. J’entends ici par le terme de « visibilité » le fait de se rendre explicitement et volontairement identifiable en tant que personne homosexuelle aux yeux de tout un chacun. Dans la perspective développée ici, pour un éducateur ou une éducatrice homosexuel, le fait de rendre publique son identité sur son lieu de travail est un acte qui ne va pas de soi et appelle une évaluation de la situation face aux divers enjeux en présence.

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 L’objectif de ce travail consiste donc à comprendre comment les personnes homosexuelles employées en tant qu’éducateurs et éducatrices gèrent-elles la « visibilité » de leur identité sexuelle dans le cadre professionnel.

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 Au cours de diverses discussions avec des personnes homosexuelles travaillant dans les milieux éducatifs, je me suis rendue compte que nombreuses sont celles qui ont peur que leur orientation sexuelle soit connue sur leur lieu de travail. De ce fait, la plupart s’efforcent en permanence de maintenir le secret à ce sujet. D’autres personnes le vivent plus ouvertement, mais certaines ont dû faire des concessions importantes face à leur identité personnelle ou changer de poste de travail sous la pression de leur entourage professionnel. A la suite de ces constatations, j’ai lu deux recherches en travail social proches de cette question. La première se préoccupait de connaître la position des collègues et de la direction de quelques institutions dans la mesure où ils seraient confrontés à la connaissance de l’homosexualité d’un de leur éducateur (Wenger & al., 1985). La deuxième s’attachait à la question de la « visibilité » - la libre expression de l’identité homosexuelle - de l’éducateur ainsi qu’à la position des écoles sociales à ce sujet (Thomas, 1982). Les auteurs de ces documents constataient que l’homosexualité était tolérée dans une certaine mesure du moment où elle restait non déclarée et peu perceptible. La manière d’évaluer et de percevoir l’homosexualité était fortement variable en fonction des interviewés. Les interlocuteurs les plus intolérants tenaient des propos que l’on qualifierait aujourd’hui d’homophobes. Ils pensaient que les personnes homosexuelles n’étaient pas appropriées pour exercer des fonctions éducatives. Les avis des plus modérés relevaient que les personnes ouvertement homosexuelles travaillant dans le domaine social seraient forcément confrontées à des discriminations notoires, par exemple, l’institution refuserait d’engager une personne homosexuelle, l’ « opinion publique » exigerait son renvoi, ses collègues refuseraient de travailler avec elle, etc. (Wenger & al., 1985 ; Thomas 1982) Cette problématique semble toujours être d’une grande actualité. En 1998, une enquête réalisée auprès des écoles par le magazine « 360° » relève que « ...pour bon nombre de directions d’écoles, les homos n’existent tout simplement pas dans leur établissement (...) » (Riethauser, 1998, p.30). Dans ce même article, les enseignants gays et lesbiennes expriment leurs craintes et leurs difficultés : peur de ne pas être « nommés », crainte de la hiérarchie, des parents d’élèves, crainte des railleries. Ils parlent également de la souffrance endurée face à la nécessité permanente de contrôler leurs propos dans la mesure où ils ne souhaitent pas être identifiés par peur d’être stigmatisés. (...)


Extrait du mémoire de diplôme présenté par Sandrine Pache : "Educateurs gays et lesbiennes : la gestion identitaire".
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