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Tu n’aimeras point

samedi 7 août 2010, par phil

 Tu n’aimeras point, l’amour impossible entre deux juifs orthodoxes sur les écrans en septembre 2009
 Un premier film israélien remarquablement mis en scène par Haim Tabakman, "Tu n’aimeras point", qui aborde le sujet tabou de l’homosexualité dans la communauté juive orthodoxe, sort ce mercredi en salles après avoir été sélectionné au 62e Festival de Cannes, en mai. Aaron, joué par Zohar Strauss, est un boucher respecté de la communauté orthodoxe de Jérusalem, un "juste", marié et père de quatre enfants.

 Peu après la mort de son père, il rencontre Ezri - interprété par le célèbre acteur israélien Ran Danker - un jeune homme échoué à Jérusalem. Ezri veut étudier. Il n’a ni toit, ni famille. Il est beau. On devine qu’il est venu là pour retrouver un homme qu’il a aimé mais qui le rejette.

 Aaron accepte de l’employer dans sa boucherie et de l’héberger dans la réserve, à l’étage. Petit à petit, les deux hommes s’éprennent l’un de l’autre. Et s’aiment. Malgré la réprobation croissante du quartier.

 Un boucher, marié et père de famille nombreuse, tombe amoureux de son employé. L’intrigue de ce premier film israélien pourrait sembler banale, mais elle se déroule dans le quartier juif ultra-orthodoxe de Jérusalem où les hommes, vêtus de noir, respectent jusqu’à l’obsession les règles draconiennes de vie imposées par le Talmud sous peine d’être bannis. L’homosexualité y est, littéralement, innommable, car inconcevable...

Pour vivre heureux, les deux amants n’ont donc d’autre solution que de vivre cachés. La solitude d’un lac à l’extérieur de la ville, l’isolement de la chambre froide à l’intérieur du magasin sont leurs refuges, deux lieux de purification casher qui participent de la tension, omniprésente, entre l’impur et le sacré.

Le soin apporté à la description des rites quotidiens, la rigueur de la mise en scène évitent tout sentimentalisme. Les cadrages oppressants dessinent les murs d’une prison où chaque individu serait sous la surveillance permanente des autres membres de la communauté – superbe séquence où un reflet fugitif révèle la présence d’un groupe de religieux dans une rue en apparence déserte. L’étouffement ressenti par les personnages est si bien rendu que le spectateur finit par l’éprouver à son tour. Cela n’empêche pas une émotion croissante. Le mérite en revient pour une large part aux comédiens. Toute la douceur, puis la détresse du monde se lisent dans le regard de Zohar Strauss, formidable interprète du boucher troublé par la jeunesse désespérée d’Ezri (Ran Danker) et par l’incompréhension, non moins douloureuse, de son épouse (Tinkerbell). Tu n’aimeras point ne se laisse pas facilement aimer, mais sa beauté s’impose.

Samuel Douhaire (Critique extraite du Télérama de la semaine du 5 septembre 2009)