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Quand les lycéens parlent d’homophobie sur Facebook
mardi 7 août 2007, par
Claire Augé : Quand les lycéens parlent d’homophobie sur Facebook
mardi 21 juin 2016
L’amour entre deux personnes de même sexe reste-t-il un amour impossible au 21ème siècle ? C’est ce que tend à démontrer l’abominable attentat homophobe d’Orlando. C’est aussi le point de départ de « Romane et Juliette » : une étonnante réécriture de « Roméo et Juliette » par les 2ndes de Claire Augé à Décines. Etonnante par son thème, essentiel : à travers la fiction, les élèves prennent entièrement en charge la lutte contre une discrimination dont le rapport 2016 de SOS Homophobie rappelait récemment les ravages chez bien des lycéen-ne-s, au sein de leur famille ou de l’Ecole. Etonnante par ses supports, souvent jugés illégitimes : Facebook (où le récit a été publié au fur et à mesure) et les SMS (que les héroïnes échangent dans le vif de leur histoire). Etonnante par ses modalités, encore rares : de l’écriture longue et collaborative. Publier sur Facebook un récit contre l’homophobie : que l’écriture scolaire est forte quand elle a de vrais lecteurs et de vrais enjeux !
Lors de la première séance du projet, le mythe de Roméo et Juliette a été étudié : en confrontant l’œuvre de Shakespeare à différentes réécritures artistiques, les invariants du mythe ont été dégagés et de grandes étapes indispensables à une réécriture ont été ainsi repérées. Nous avions un canevas pour la future nouvelle. Les deux séances suivantes ont été consacrées à la visite du Musée des Beaux-Arts de Lyon et à des échanges sur les tableaux repérés et aimés : les élèves ont tenu un carnet de bord de leur visite sur Twitter indiquant des liens entre des tableaux et des étapes du mythe de Roméo & Juliette.
Ce n’est qu’après ces trois séances préparatoires que les élèves ont commencé à échanger ensemble sur leurs différentes idées de réécriture. Très vite, ils m’ont demandé s’ils pouvaient n’utiliser le musée des Beaux-Arts que comme toile de fond à leur nouvelle pour se concentrer davantage sur l’histoire d’amour impossible. Les idées avaient mûri pendant les trois semaines et la visite du Musée.
Plusieurs « raisons » d’amour impossible ont été évoquées : différence religieuse, différence sociale, handicap, amour homosexuel, discrimination raciale… Au terme d’une petite heure d’échanges, les élèves ont décidé de travailler sur une histoire d’amour homosexuelle entre deux filles ne vivant pas dans les mêmes quartiers : une Thug (racaille) des quartiers chics et une petite intello vivant dans un quartier plus défavorisé. La dimension sociale s’est ensuite amoindrie au cours de l’écriture de la nouvelle. En retrait, j’ai accompagné leur réflexion de documents historiques ou d’actualité postés au tableau via le vidéoprojecteur. Les questions du « Mariage pour tous », de l’influence du regard des parents, du coming-out, du poids de la société en apparence bienveillante ont été évoquées par les élèves. Nous étions proches d’une séance d’EMC à ce moment-là.
Je n’ai pas été étonnée par ce choix d’histoire car l’an dernier, dans un projet d’écriture policière, mon groupe d’élèves de Littérature & Société avait également choisi d’écrire sur une histoire d’amour tumultueuse entre deux filles : Trio amoureux. C’est un sujet qui les touche particulièrement puisqu’à 15 ans, les élèves s’interrogent sur leur identité, sur leur corps et sur le regard d’autrui porté sur eux. J’ai remarqué ces deux dernières années que ce sont les filles, qui, particulièrement, défendent l’idée d’un amour homosexuel au féminin ; il me semble que cela rejoint une grande question actuelle et qu’une jeune adolescente se pose : qu’est-ce qu’être femme aujourd’hui, en 2016 ?
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